Dans cette exposition, je croyais avoir choisi une thématique et ensuite avoir choisi les artistes. En fait, je me suis aperçu rapidement que les artistes de cette exposition avaient beaucoup plus de choses à partager que la simple thématique. C’est l’intuition qui était aux commandes se dissimulant derrière l’illusion de notre soi-disant libre arbitre. 

Nous avons conçu cette exposition comme une sorte course de relais où chaque artiste passerait la ligne au suivant pour faire vibrer, danser cette dernière. Chacun avait une totale liberté de créer une œuvre sur papier. Le résultat présente des similitudes et des différences. 

Similitudes entre le travail des deux amies, Evelyne Bouchard et Soufia Ben Saïd, qui ont choisi à 8000 kilomètres de distance (Saint-Constant, Québec – Sidi Ali El Mekki, Bizerte) et sans se concerter, une ligne continue et ondulée qui dessine chez l’une un processus méditatif et chez l’autre (Soufia), une magnificence de la simplicité et de la légèreté ainsi qu’un hymne à la vie. Il y a aussi chez les deux, l’idée d’une ligne électrocardiogramme dessinant peut-être notre respiration, la base de notre vie.

Pour Aymen Mbarek, c’est la légèreté d’une plume caressant le papier couplée comme un baiser volé. Aymen dessine comme il respire. Il donne vie à un monde riche, plein de mystère, avec une économie de moyens déconcertante. 

Pour Mohamed Ben Soltane, c’est plutôt la fulgurance d’une ligne qui arrive comme une explosion pour ensuite ralentir et tourner sur elle-même telle une rature en abolissant la dialectique du plein et du vide. Il s’agit de résister à une ligne imaginaire qui a creusé par l’habitude, des sillons invisibles sur le papier et de déjouer ainsi l’attendu et la facilité. 

Vous voyez très bien la ressemblance entre les lignes et les artistes qui la font. C’est exactement là qu’est le sujet de cette exposition.

Mohamed Ben Soltane